Description

Yūrei - Fantôme

Nagasawa Roshū (1767-1847)


Nagasawa Roshū est un peintre de la fin de la période Edo. Il est le fils adoptif de Nagasawa Rosetsu (1754-1799) membre de l’école de peinture Maruyama et auteur de nombreuses grandes toiles. Maruyama Ōkyo (1733-1795) est célèbre pour ses peintures de yūrei sans jambes. On imagine alors aisément que Nagasawa Rosetsu et Roshū, ses successeurs, aient pu à leur tour créer des peintures de fantômes d’un style proche.

Dans cette œuvre, une belle femme vêtue d’un kimono blanc (kyō katabira : linceul) semble flotter, elle n’a en effet pas de jambes. De fins traits d’encre dessinés d’une main très sûre sont utilisés pour la représenter. Ses cheveux décoiffés, son expression et la façon dont elle se mord la lèvre inférieure expriment sa souffrance et son profond chagrin.

Le poème parle du fantôme comme une image de la futilité de la vie. Il évoque “Kantan” et “Eguchi”, deux pièces classiques du théâtre Nō qui reprennent le concept Héraclitien du “panta rhei” sur la nature passagère et transitoire de la vie sur terre. Le poème a pour sujet la personne que Ikkyū Sōjun (1394-1481), un prêtre Zen de renom, aurait envoyé chercher à la mort de On’ami Kanze Saburō Motoshig (1398-1467), le troisième chef de l’école de nō Kanze. Cette histoire apparaît pour la première fois dans l’œuvre Shiza yakusha mokuroku publiée en 1653. Ce rouleau se lit de gauche à droite.

« Le voyageur de Kantan possédait l’oreiller qui exhausse les rêves.
 Eguchi, la belle, dansait sur le bateau. Voilà la véritable pièce cachée de la secte (« secte » suggère peut-être une école de nō). Les six étapes de la vérité de la pièce nō furent transmises avec élégance, Takamichi (?) l’a écrite au 3ème mois.»

“Un Rêve de Kantan” est une pièce inspirée d’une histoire classique chinoise. En 719, alors qu’il était en route pour la capitale, un jeune homme dénommé Rosē, de passage dans la région de Kantan (Probablement Handan dans la province chinoise du Hebei), rêvait d’accomplir de grandes choses et de connaitre le succès. A l’auberge, il rencontra un Taoïste avec lequel il s’entretint longuement. L’homme lui donna un oreiller qui transformait les rêves en réalité. Endormi sur cet oreiller, Rosē rêva qu’il avait rencontré le succès avant d’être emprisonné à tort, puis de gagner à nouveau la confiance du roi, d’épouser une femme très belle, d’avoir trois enfants et de mourir de vieillesse. A son réveil, Rosē était toujours dans l’auberge en compagnie du Taoïste. Rosē le remercia et lui dit qu’il avait vu tous les hauts et les bas que la vie pouvait lui réserver, ce qui avait un peu tempéré son ambition ardente. Puis Rosē rentra chez lui.

“Eguchi” est la pièce issue de l’histoire d’une belle prostituée et de Saigyō, un célèbre moine bouddhiste. En 1167, Saigyō était en pèlerinage dans la région d’Eguchi quand les cieux se déchirèrent en une puissante tempête de pluie. Il rencontra une prostituée et lui demanda s’il pouvait passer la nuit avec elle. Après un échange de poèmes, elle finit par l’autoriser à rester. L’amitié qui s’ensuivit fut longue et profonde. Il fut un temps dit que cette pièce de nō avait été écrite par Ikkyū qui l’aurait donnée à l’acteur de théâtre nō Komparu Zenchiku (1405-1470). On pense désormais qu’elle est l’œuvre de Kan’ami, qui la transmit à son fils Zeami, le fondateur du nō en tant qu’art, et plus tard transmise à Komparu Zenchiku.

La pièce de théâtre raconte une autre partie de l’histoire. Un moine en pèlerinage passe par la région d’Eguchi. Il se souvient d’un poème de Saigyō et le récite. Une femme apparaît soudain et s’excuse pour l’incident avec Saigyō. Elle lui dit son nom, Eguchi-no-kimi, et disparait. Il s’agit du fantôme de la prostituée. Le moine décide de prier pour elle. Le soir, alors qu’il psalmodiait, Eguchi-no-kimi apparut à nouveau. Après avoir dansé et chanté sur le bateau, elle fut enfin transformée en Samantabhadra (le bodhisattva contemporain de Sakyamuni) et s’en alla dans le ciel de l’ouest.


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