169,5 x 95 cm
Les Boro (en japonais “Boro” veut dire “guenille”) sont des textiles obtenus par une succession de reprises et réparations effectuées générations après générations sur des couvre-lits et des vêtements. Ils sont l’œuvre des plus pauvres parmi les fermiers et pêcheurs entre le XVIIIe et le début du XXe siècle au Nord-Est du Japon. Cette pratique culturelle est depuis longtemps disparue. Les Boro, inutilisés sont mis de côté, jetés et parfois même détruits volontairement par une société japonaise embarrassée par son passé ; de fait peu sont parvenus jusqu’à nous…
Présentés dans le contexte d’une galerie d’art, ces patchworks simples et innocents transcendent véritablement leurs modestes origines. On remarque en premier à quel point toutes les teintes d’indigo sont sublimes. Les Boro sont à la fois subtiles et forts, ils forment des compositions saisissantes et intransigeantes qui nous parlent dans un langage familier.
En les voyant on retrouve immédiatement des liens avec des mouvements et des artistes occidentaux. Les Expressionnistes Abstraits partagent avec les Boro le concept d’abstraction spontanée dont les travaux de Rauschenberg et sa collection de “débris”, ou ceux de Motherwell et sa longue histoire d’amour avec les collages. On y retrouve aussi des œuvres d’Art Informal et de son plus célèbre représentant Alberto Burri qui colle directement sur ses toiles des bouts de tissus déchirés et abimés, ainsi que des morceaux de vieilles toiles d’emballage. Les surfaces sur lesquelles ces artistes peignent sont préalablement grattées, frottées, superposées et même incrustées à un tel point qu’on croirait y voir le passage du temps. Quoi de plus proche de la matérialisation du temps qui passe que la surface d’un Boro rare avec ses couches superposées de lambeaux de tissus indigo anciens.
Chacun peut décider en les voyant ainsi exposés de comparer les Boro à tel ou tel mouvement, mais il est indéniable qu’ils sont de magnifiques et fascinants objets d’art.